BREF.

ON N’A PAS TOUJOURS CE QU’ON VEUT.

Par Coline LEROY

Quand j’avais 8 ans, je lisais le Club des 5 et les livres de la Bibliothèque Rose, je voulais être cheffe d’orchestre, jouer du piano toute ma vie et vivre dans une petite maison avec une rivière, un seau pour aller puiser mon eau toute seule dans la rivière, un grand chien qui pourrait aussi être un poney et mon meilleur copain Nolan. Je les quitterais occasionnellement pour donner mes représentations aux quatre coins de la planète, dans les plus belles salles de classique du monde mais je reviendrais toujours, jamais aveuglée par le showbiz.

Bref. On n’a pas toujours ce qu’on veut.

J’ai 22 ans, je lis plus parce que j’ai pas le temps, mon clavier est nul donc j’y touche plus, j’ai déménagé à Paris, je bois l’eau du robinet comme tout le monde parce qu’acheter de l’eau en packs, c’est pour les riches et c’est bourré de microparticules de plastique, j’ai découvert que j’étais allergique aux poils d’animaux, je sais pas choisir entre tous mes futurs, et mes meilleurs copains sont tous tarés et ne s’appellent pas du tout Nolan.

 

Quand j’avais 10 ans, je lisais le Clan des 7 et les livres de la Bibliothèque Verte, je voulais le nouveau château rose des Playmobils parce que j’étais enfant unique et je devais bien pallier le manque conséquent d’un petit frère que j’aurais dégommé à la bagarre par quelque chose qui fasse travailler mon imagination de petite fille.

Bref. On n’a pas toujours ce qu’on veut.

J’ai eu le château mais j’ai pas eu le petit frère. Ça m’a un peu rendue chafouine plus jeune mais maintenant je suis terriblement heureuse de ne pas avoir à m’encombrer de ce fardeau si immense qu’est la fraternité et risquer que mon petit frère hétéro avec les MÊMES gènes que moi soit plus cool et plus beau et plus intelligent. Merci maman de ne pas avoir cédé à tous mes caprices, surtout celui du petit frère et celui du chien qui aurait pu être un poney (j’aurais été allergique aux deux, probablement).

 

Quand j’ai eu 15 ans (ne pas s’étonner du saut de 5 ans, c’est juste pas intéressant, j’étais une enfant normale, c’est déjà assez particulier d’écrire un article sur soi-même comme ça, bref), j’ai compris que les garçons, ça m’intéressait pas. Du coup, j’en ai parlé en pleurs à ma mère en vacances, qui a bien compris pourquoi les garçons, ça m’intéressait pas. Puis j’ai connu mon premier amour et je sais pas comment vous expliquer, ça s’est passé super bizarrement. J’allais partir sur une métaphore de tennis mais je sais pas si le lectorat de Somare est très branché tennis, donc je m’abstiendrai de comparer ma première relation avec une balle de tennis qui rebondit tellement fort qu’on arrive pas à la renvoyer. En gros, j’ai cru pouvoir aimer pour deux et en fait ça suffisait pas. Toutes les balles ne s’attrapent pas.

Bref. On n’a pas toujours ce qu’on veut.


Ce n’était pas une phase. 7 ans plus tard et je pense toujours pas que les garçons (pas forcément tous devenus hommes à leur grand âge), ça soit mon truc. J’ai eu le temps de connaître d’autres relations et chacune d’entre elles m’a montré que j’aurais pu aimer mieux mais que j’aurais pas pu aimer plus. Du coup maintenant je m’abstiens. Je tombe amoureuse tous les jours et ça disparaît le lendemain, ou pas. De mes copains quand ils chantent et ils dansent, des gens dans la rue, des gens qui regardent un tableau dans un musée, des gens qui regardent les gens, de celles que je rencontre et ça marche pas, de celles avec qui ça marche mais on arrive pas à bien se rencontrer, de celles que je rencontre jamais et de celle avec qui ça marche mais qui veut pas qu’on se rencontre.
On n’a pas toujours ce qu’on veut. Je peux pas demander l’amour sous toutes ses formes et l’obtenir sans me faire un peu briser le cœur par des inconnus tous les jours. Je peux pas non plus essayer d’aimer bien parce que j’ai compris que personne sait vraiment s’y prendre. J’ai regardé mon entourage, j’ai regardé mes amis, mes voisins, ma famille, ils sont tous super nuls pour aimer, il savent pas faire mais qu’est-ce qu’ils aiment fort et c’est ça qui est chouette avec eux.

 

Bref, j’ai compris. En fait, on n’a pas toujours ce qu’on veut mais on a ce qu’on mérite. Apparemment selon l’univers, je mérite pas grand-chose, mais c’est okay. Je travaille pour mieux mériter. C’est un peu comme Valérie Lemercier qui remet le César du Meilleur Acteur et elle dit « Ceux qui ont un peu moins bien travaillé que les autres, travaillez mieux pour peut-être, l’année prochaine, gagner la tambouille » ou un truc comme ça. Peut-être que c’était “décrocher la timbale”. Bref, je travaille pas pour gagner un César, je travaille pour faire ma tambouille et qu’elle soit un minimum potable. Après j’admets que j’ai pas la science infuse sur moi-même et je refuse d’acheter un livre sur le développement personnel. De toute façon, j’aurais pas le temps de le lire.
Bref, on n’a pas toujours qu’on veut.
Je peux pas aimer plus. Je peux pas aimer moins. Je peux pas avoir de chien grand comme un poney, je peux pas avoir d’appartement à mon nom à 22 ans parce que j’suis pas une nepo baby ni la fille de Bernard Arnault, je peux pas renvoyer toutes les balles. Mais je sais que si je pouvais avoir tout ça, je pourrais aussi dire non, et refuser. C’est pas parce qu’on n’a pas toujours ce qu’on veut qu’on doit accepter ce qu’on pense seulement mériter.

Du coup je veux que vous lisiez cet article et que vous l’envoyiez à vos mères et à vos petits frères.


Bye bye les loosers.

Par Coline Leroy, le 4 mars 2025