« Un jour, ma petite sœur m’a dit: ‘Raphaël, t’es sur TikTok’ »: rencontre avec Raphaël Jouzeau, réalisateur du court métrage Les Belles Cicatrices

Au cours de notre échange, Raphaël Jouzeau évoque les coulisses de son court-métrage Les Belles Cicatrices, explorant le deuil amoureux. Son succès sur les réseaux sociaux souligne l'attrait croissant pour des récits qui mêlent l’authentique, l’humain et l'esthétique.

Par Romane Lafosse-Marin, © Raphaël Jouzeau - Balade sauvage productions

« Les histoires d’amour, c’est les histoires qui me viennent. C’est ce que j’ai vécu, c’est ce que je peux faire ressentir aux autres. » Assis à la terrasse d’un café à Belleville, dans le 20e arrondissement, Raphaël Jouzeau revient sur les coulisses de son court-métrage Les Belles Cicatrices, produit par la société Balade Sauvage Productions. Ces 15 minutes de deuil amoureux qui ont arraché des larmes aux cœurs des plus cyniques.

« Je ne voulais pas qu’il y ait de méchant ou de gentil. Je voulais que ce soit deux personnages égaux, qu’on les aime bien ou moins bien tous les deux. » Les deux protagonistes, Gaspard et Leïla, anciennement en couple, se livrent à un dernier dialogue cathartique. Les révélations s’entrechoquent : besoin d’alcool pour réussir à parler, manque d’écoute, différences de fonctionnement, incompatibilités... Les vérités laissent sans voix, et les silences en disent long. « Ils ont tous les deux des défauts, ils sont humains. » Autour des deux verres posés sur la table du café, Raphaël Jouzeau fait revivre ses personnages. Gaspard est introverti, timide, sensible, à l’image de son créateur. «Gaspard, c’est moi. Je me reconnais en lui dans son côté réservé. Il a du mal à attraper un serveur pour commander un verre.» Leïla est solaire, pleine de vie, avec une galaxie d’émotions enfouies : «Ça pourrait être une fille que je pourrais aimer… ou un mix de celles que j’ai déjà aimées.»

© Raphaël Jouzeau - Balade sauvage productions

L’humain au centre du processus

Pour rendre ces personnages aussi vivants en 15 minutes, le travail a été long : «On a mis un an et demi à écrire le scénario. Ils ont eu une histoire d’amour, donc il fallait qu’on y croie.» Avec son co-scénariste Pierre Le Gall, ils ont écrit un par un les souvenirs du couple: «On a choisi ceux qui étaient les plus forts en émotion. Concrètement, ça pourrait être de vraies personnes. Ils avaient une vie avant.»

Les Belles Cicatrices, c’est aussi une poésie visuelle. L’animation est mélangée à des bouts de vidéos du monde réel avec la mer, les nuages dans le ciel, les effets de lumière: «On a zoomé sur Snapchat en face de panneaux numériques publicitaires, ça faisait des effets stroboscopiques de lumière.» Le côté hybride du montage apporte un effet «artisanal avec un humain derrière» recherché par le réalisateur.

 Les images s'enchaînent sur la musique de Pierre Oberkampf, une bande-son envoûtante qui nous plonge dans l’intensité de l’histoire : «On a décidé de couper la musique à des moments pour que ce soit le silence qui crée de l'émotion» explique Raphaël Jouzeau, un processus qui a porté ses fruits au vu du succès du court-métrage. Le secret de ce tourbillon d’émotions ? La volonté du réalisateur de placer l’humain au centre. «J’ai travaillé avec des gens que j’appréciais, au coup de cœur. Si je voyais de belles personnes, gentilles, sensibles, je disais oui. Je pense que c’est comme ça qu’on a créé un truc chouette.»

© Raphaël Jouzeau - Balade sauvage productions

Un début prometteur

Sorti sur Arte ce 21 septembre, Les Belles Cicatrices n’a cessé de gagner en popularité. «Un jour, ma petite sœur m’a dit : 'Raphaël, t’es sur TikTok.'» Le monologue de Leïla lors de la scène de la soirée a été repris environ 5000 fois sur la plateforme. «J’ai même vu un lipsync» en rigole le réalisateur. Les extraits fusent, chacun s’approprie leur histoire, se reconnaissant en Gaspard, en Leïla, ou un peu des deux. Cette production bouleversante réussit à attirer le grand public vers le court-métrage d’animation, une mission pourtant ardue. «Samuel d’Émilie Tronche a ouvert la voie, je pense.» confie Raphaël Jouzeau. La série d’animation aux épisodes de 5 minutes avait rencontré un franc succès sur Arte.

Les Belles Cicatrices continue son chemin. Après sa nomination au festival de Cannes, il a aujourd’hui 25 autres sélections, dont la plupart à l’international. Un début prometteur pour le réalisateur qui «croise les doigts» pour que cela continue, et nous les croisons avec lui.

© Raphaël Jouzeau - Balade sauvage productions

“Un artiste qui t’inspire ?”  “King Krule”

“ Un film ?” “Her de Spike Jonze”

“ Une couleur ? ”  “Le bleu” 

“ Un lieu ?”  “ Ah ça je l’avais pas prévu. Mhh… La montagne ”

 

© Raphaël Jouzeau - Balade sauvage productions

Romane LAFOSSE-MARIN, 14 octobre 2024