XCX, XOXO

J’ai grandi entourée des Pop stars des années 2010. Taylor Swift, Lady Gaga, Katy Perry, Beyoncé… Des reines de l’industrie qui ont réussi à s’inscrire suffisamment dans le paysage musical international pour y rester et parfois même accéder au rang d’icônes. Alors que le showbizz se fait de plus en plus mouvant pour les artistes, et en particulier pour les femmes, ces reines du branding et du marketing ont su affirmer leur marque pour passer à la postérité. Pourtant, une nouvelle génération émerge avec des figures proéminentes, des potentiels révélés et une toute nouvelle manière de régner. Au milieu, un visage sort, celui de Charli XCX. Et elle est en train de tout casser pour tout réinventer.

Par Coline LEROY

Charlotte Emma Aitchison est un cas à part dans l’industrie. Elle ne fait pas partie de la génération pop qui a éclaté les scores post-covid comme Olivia Rodrigo ou Sabrina Carpenter, dont les succès font écho au sien en matière d’ampleur, d’impact et de timeline. Elle n’est, de toute manière, pas une pop artist. Charli XCX est inclassable.

Son succès ne date pas d’hier : elle a démarré sa carrière à 14 ans avant d’être repérée par Atlantic Records, a retourné internet en 2014 avec « Fancy » et « Break the Rules » et ensuite…Ensuite un petit creux, du moins à l’échelle du grand public.

Pourtant sa régularité l’honore : quatre albums en sept ans qui lui permettent de conserver une fanbase, s’ouvrir à une autre, recevoir de bonnes critiques dans la presse mais sans jamais se hisser au sommet des billboards. Jusqu’à ce qu’un album change tout : “brat”.

Des années que Charli XCX construit son personnage, le peaufine, le met à l’épreuve du public. Le point culminant est peut-être là, en 2024. Elle est sur le point de transcender enfin l’icône, elle aussi.

Mais sa recette de branding personnel est bien différente de toutes celles qui l’ont déjà fait.

Décryptage.

Charli, c’est l’antagoniste parfaite des reines de la pop.
Déjà un physique reconnaissable entre mille. Adieu les cheveux blonds de Swift, l’excentrisme de Gaga, le conformisme de Lana del Rey. Charli XCX débarque avec une masse capillaire noire qui suit le moindre de ses mouvements, des lunettes étirées, et une démarche de raveuse. Le tout assorti d’un style vestimentaire de mean girl assumé (déjà en 2014 elle parodiait la lycéenne populaire parfaite).

Puis il y a cette voix. Une voix qui ne craint pas l’auto-tune mais qui connaît son potentiel et l’exploite. Une voix qu’on se plaît parfois à comparer mais qui est finalement reconnaissable entre mille.

Et il y a la provocation. Sans cesse.

Charli XCX performe à Times Square, via @charli_xcx (Instagram)

Sa manière de se « brander » (se vendre comme une marque) n’a rien d’anodin. Charli XCX, c’est un peu la mauvaise élève de la musique. Elle a commencé dans des raves, pas dans des cafés à jouer en acoustique comme beaucoup. Elle s’est faite repérée parce que déjà à 14 ans, son univers sonore n’avait rien à voir avec les stars en herbe de son âge.


Charli prône le stardom (statut de star) comme personne. Elle enfonce son personnage dans les vices de l’industrie sans jamais dépasser la limite. La force de son branding est de frôler la provocation sans jamais perdre le contrôle de son image. Sexualisation sans jamais tomber dans l’ostentatoire, drogues dures sans en faire la promotion, fausse toxicité…Charli XCX a réussi en une décennie à décoder ce qui pouvait fasciner la foule et à s’enfoncer dans la brèche pour captiver son public.

Brat, son dernier album et la connotation qui l’accompagne en sont un parfait exemple. La brat, c’est la sale gosse, la morveuse, le garnement. C’est l’anti-héroïne des codes bien droits de la musique. Brat, c’est Charli. Charli est brat, nous sommes brat, notre été est devenu un « brat summer ». Charli XCX s’est défaite des attendus et des standards et a réussi à prendre nos playlists d’assaut. Si bien que l’expression être brat est désormais consacrée. Ce n’est plus un mot à connotation péjorative, c’est devenu un style de vie. Avec une pochette vert néon du arial narrow modifié, Charli a réussi à s’approprier un mot et en changer le sens pour le faire sien. Et ça, c’est supra brat. Comme tout ce qui a suivi l’album.

Le Sweat Tour en partenariat avec Troye Sivan, son alter ego masculin, en est la preuve parfaite. Les deux icônes de la communauté queer ont compris qu’ils partageaient un public commun et en ont fait quelque chose dont se souvenir. 22 dates américaines et aucune tournée mondiale prévue. Des concerts à l’allure de clubs, une ode à la célébration et une conversation Reddit titrée « Comment faire rentrer du p*pper au Sweat Tour ? ».

La réédition de l’album avec le gratin des brat artists est aussi à souligner : Addison Rae, Shygirl, Ariana Grande, Billie Eilish, The 1975 (et oui, car Charli reste la sad girl originelle) …etc. Une édition deluxe très luxe.

Charli XCX performe à Times Square, via @charli_xcx (Instagram)

Puis, autant en musique qu’en image, Charli s’entoure des bonnes personnes. Celles qui vont booster sa popularité et populariser son image. Pour une artiste si « underground » à ses débuts, qui fait de l’hyperpop et qui vient de la techno, il est difficile de capter un grand public. C’est ce qu’on lui a reproché avec certains de ses anciens albums, de ne pas être assez abordable.  Là réside le tour de force.

Charli a réussi à comprendre où pouvait être sa plateforme mieux que quiconque, à l’apprivoiser sans avoir à biaiser sa musique. Elle a compris que sa plateforme était chronically online (en ligne de manière presque maladive) et qu’elle était attachée aux visages célèbres d’internet qu’elle voit tous les jours sur les réseaux. Visages qui s’avèrent pour beaucoup être des amies de Charli. Et quoi de mieux que de les réunir pour le lancement d’un single avant l’album ? Le clip de « 360 », second single de « brat », met en scène Alex Consani, Julia Fox, Gabbriette, Rachel Sennott, Emma Chamberlain, Chloé Sevigny…etc. Toutes les stars d’internet sont là et se font égéries de la brat mouvance. Chaque it girl ramène sa plateforme qui a déjà entendu de près ou de loin Charli XCX et la magie opère. Charli XCX promeut le girlhood (l’entraide féminine dans son état le plus pur), et ça plaît. « Girl, so confusing » avec son némésis devenue bestie, Lorde (sa jumelle un peu tristoune), éclate les charts. Les deux artistes parlent de leur différent et des malentendus qui ont conduit à des années de froideur entre elles, pour finalement « travailler dessus sur le remix » et se réconcilier. Lorde a même fait une apparition surprise au Sweat Tour, elle qui n’était pas remontée sur scène depuis un moment pour l’amour de Charli. Girlhood !

Lorde et Charli XCX au MSG pour le Sweat Tour, via @DorkyCabello (Youtube)

Bref. « brat » et Charli XCX sont nominés pour 7 Grammy Awards en 2025, toutes catégories confondues. L’artiste vient encore de casser internet avec une performance surprise à Times Square et le Sweat Tour, sold out en moins de 24h, s’est achevé en ayant fait les gros titres.
À voir si la brat mouvance est, justement, une mouvance ou quelque chose qui va durer. En tout cas, Charli xcx a désormais tout d’une icône. Comme le dirait Troye Sivan, “Charli on a rocket ship to eternity and she’s taking the people she loves with her” (traduction : “Charli est à bord d’un vaisseau vers l’éternité et elle emmène tous ceux qu’elle aime avec elle”).

Par Coline Leroy, 22 novembre 2024